Le dernier rapport de marché publié par ELVIS AG (Europäischer Ladungs-Verbund Internationaler Spediteure) pour le deuxième trimestre 2025 dresse un tableau critique de la situation. Il est particulièrement inquiétant de constater que le secteur est confronté à une augmentation des coûts de personnel, à un manque de capacités de production et à une augmentation du nombre de faillites – une situation que Nikolja Grabowski, membre du conseil d’administration d’ELVIS, a qualifiée de « signal d’alarme sérieux ».
Un environnement économique dégradé
« On ne peut pas parler de retournement de tendance: l’économie allemande stagne, la reprise espérée n’est pas au rendez-vous. La faiblesse persistante de la production manufacturière est particulièrement inquiétante et a de lourdes conséquences », souligne Grabowski.
Le PIB reste quasi stable (T2 2025: -0,1 % par rapport au trimestre précédent; +0,4 % sur un an), mais la production industrielle plonge. En juin 2025, la fabrication de véhicules automobiles et de pièces a reculé de -4,8 % sur un an, la chimie de -7,6 %, et la construction mécanique de -8,7 %. Globalement, la production industrielle allemande affiche une baisse de -6,9 % par rapport à juin 2024.
Cette évolution se répercute directement sur le transport routier. Dans une enquête interne menée auprès de ses partenaires, 49 % des transporteurs spécialisés dans les matériaux de construction et 53 % dans le commerce anticipent des volumes stables pour les quatre prochaines semaines. Dans l’automobile en revanche, près de 39 % des entreprises s’attendent à une baisse des expéditions – signe d’une fragilité sectorielle marquée.
Capacité limitée, personnel coûteux : les faiblesses structurelles se creusent
L’espace de chargement disponible reste réduit du fait du retrait continu de capacités. En juillet 2025, le ratio fret/capacité sur le marché spot intérieur était 12,2 % supérieur à celui de l’an passé.
« Récemment, le marché s’est légèrement détendu, probablement en raison du début des congés d’été, qui a atténué temporairement la pression », explique Grabowski. « Mais cette accalmie ne sera pas durable. »
Les coûts salariaux aggravent également la situation. Les salaires bruts mensuels moyens dans le transport et la logistique ont progressé de +3,9 % au T1 2025 par rapport à l’an dernier (malgré un recul de -1,3 % par rapport au trimestre précédent).
- Allemagne: 3 430 €/mois (+3,9 %)
- Allemagne de l’Ouest: 3 503 €/mois (+3,6 %)
- Allemagne de l’Est: 3 118 €/mois (+5,7 %)
Carburants et consommables: un tableau contrasté
- Diesel : +1,0 % (juil. 2025 vs. juin 2025) ; -2,1 % (vs. juil. 2024) → prix modérés, légèrement en recul sur un an.
- LNG (gaz naturel liquéfié) : +22,1 % (août 2025 vs. juil. 2025) ; -15,1 % (vs. août 2024) → forte hausse mensuelle, mais prix annuels toujours nettement plus bas.
- AdBlue : -0,2 % (juil. 2025 vs. juin 2025) ; +5,9 % (vs. juil. 2024) → progression nette sur un an.
Investissements freinés par la réglementation – ELVIS prône une offensive technologique
Malgré les annonces d’investissements de la nouvelle coalition gouvernementale, aucun effet tangible n’est encore perceptible pour le secteur. Au contraire, les charges administratives et fiscales renforcent l’incertitude et freinent les décisions.
« La situation géopolitique mondiale accentue l’incertitude et empêche toute dynamique de reprise », alerte Grabowski.
Faillites en hausse: la partie émergée de l’iceberg
Selon ELVIS, le nombre de faillites d’entreprises de transport a nettement augmenté. « Cette tendance n’est que la partie émergée de l’iceberg », prévient Grabowski.
« La hausse des défaillances illustre la pression énorme qui pèse sur le transport routier, entre coûts en hausse, pénurie de main-d’œuvre et contraintes réglementaires. C’est un signal d’alarme à prendre très au sérieux », insiste-t-il.
Face à cela, le groupement appelle à une restructuration stratégique. Les entreprises doivent revoir en permanence leurs coûts et leurs modèles tarifaires.
Selon Grabowski, le levier clé reste clair:
« Même dans un contexte difficile, il faut investir de façon ciblée dans les technologies modernes pour digitaliser et optimiser les processus. »