L’indice headhaul est tombé à 131,8 en août 2025, soit 11,4 points de moins qu’en mai et 174,3 points de moins sur un an – un niveau jamais vu depuis le début de 2024, qui prolonge la tendance baissière déclenchée par les perturbations tarifaires au premier trimestre.
Les ports européens sous pression
En juillet et août, les grands hubs à conteneurs du nord de l’Europe — Rotterdam, Hambourg et Anvers — ont connu une congestion notable. Les niveaux historiquement bas du Rhin ont contraint les barges à réduire leur capacité, tandis que les volumes se sont partiellement reportés vers l’intérieur. Bien que la situation hydrologique se soit améliorée depuis, les capacités logistiques restent limitées et devraient le rester jusqu’au quatrième trimestre.
Dans le même temps, le trafic portuaire européen stagne : l’indice régional des ports a reculé à 88,6 au T2 2025, contre 90,0 l’année précédente, bien qu’en légère hausse par rapport au T1 (87,5). Cette stagnation, couplée à une pénurie de main-d’œuvre, à une consommation des ménages affaiblie et à des taux d’intérêt élevés, laisse entrevoir peu de marge de reprise à court terme.
Ce que cela signifie pour les chargeurs européens
Selon Ti, les chargeurs doivent anticiper les points suivants :
- La congestion va persister : les ports du nord de l’Europe restent sous tension, aggravée par la sécheresse du Rhin et le manque de personnel. Les délais de transport terrestre s’allongent.
- L’offre restera abondante : malgré les « blank sailings », les transporteurs auront du mal à équilibrer l’offre et la demande. Cela ouvre des opportunités de négociation sur les tarifs, notamment à l’approche de la fin d’année.
- Réserver tôt pour les périodes de pointe : même si l’espace est généralement suffisant, des goulots d’étranglement ponctuels peuvent survenir lors de pics de réapprovisionnement ou de changements tarifaires. Réserver à l’avance limite les risques.
- Suivre de près la politique tarifaire : les flux européens sont indirectement exposés aux mesures commerciales entre les États-Unis et la Chine. Les échéances d’octobre pourraient déplacer les volumes de manière imprévisible, affectant la disponibilité et les tarifs sur les lignes Asie–Europe.
Facteurs mondiaux : droits de douane et surcapacité
Les perturbations en Europe reflètent les tendances globales. Ti identifie trois forces majeures : l’imprévisibilité des tarifs américains, une vague de nouvelles capacités de transport, et une demande mondiale fragile.
Le front-loading tarifaire de mai et juin a brièvement dopé les tarifs entre l’Asie et les États-Unis, mais dès juillet, les hausses tarifaires ont échoué, et les prix se sont effondrés. Début août, les tarifs spot avaient chuté de 58 % sur la côte Ouest américaine et de 46 % sur la côte Est, par rapport à juin.
Les transporteurs ont tenté de réagir par des blank sailings et des ajustements de services, stabilisant temporairement le marché. Mais les capacités nouvellement mises en service ont rapidement dépassé les efforts de régulation, entraînant une nouvelle baisse des prix. La capacité mondiale a progressé de 5,5 % entre T2 2024 et T2 2025, et malgré un léger recul trimestriel, le carnet de commandes reste chargé, avec des livraisons prévues équivalentes à plus d’un quart de la flotte mondiale active d’ici 2026.
Demande : divergences régionales
Les données de trafic portuaire révèlent une forte disparité selon les régions :
- Amérique du Nord : les volumes ont grimpé en juillet, les importateurs accélérant leurs commandes avant les hausses tarifaires. Le port de Los Angeles a traité 1 million de conteneurs en un mois, mais les stocks excédentaires pourraient entraîner une baisse de 10 % du trafic en fin d’année.
- Asie : les ports chinois et sud-asiatiques ont affiché une croissance robuste au T2, avec une hausse de l’indice de 5,9 points sur un an. Le front-loading tarifaire a soutenu cette tendance, mais les coûts de stockage élevés pourraient peser à court terme.
- Europe : croissance très modérée, affectée par la congestion, les pénuries de main-d’œuvre et la faiblesse de la consommation.
Au global, l’indice mondial des ports a atteint 121,9 au T2 2025, soit une hausse de 3,3 points sur un an, mais cette dynamique ne devrait pas se maintenir au T4.
Coûts d’exploitation et carburants
Les coûts d’exploitation se sont légèrement allégés, grâce à la baisse du prix des carburants marins (bunker fuel). Les prix moyens mondiaux ont chuté de 14,2 % sur un an au T3 2025, avec une baisse de près de 20 % en Amérique.
Mais ces gains sont fragiles : la transition énergétique (véhicules électriques) et les ajustements de production de l’OPEP+ continuent d’exercer une pression à la baisse sur la demande de carburants fossiles, pesant durablement sur les tendances tarifaires du bunker.
Perspectives : une instabilité durable
Ti conclut que le secteur du transport maritime est désormais dans un « déséquilibre structurel durable », et non dans une simple phase de repli conjoncturel. La politique commerciale américaine reste le facteur le plus incertain : des droits de réciprocité sont déjà en place, des taxes spécifiques à l’Inde sont entrées en vigueur le 7 août, et la trêve tarifaire entre les États-Unis et la Chine expire le 15 octobre.
- Les liaisons transpacifiques connaissent l’une des saisons de pointe les plus faibles de mémoire récente, avec beaucoup de capacité inutilisée.
- Les routes transatlantiques pourraient bénéficier d’un peu de stabilité grâce aux réapprovisionnements et à une gestion plus disciplinée de la capacité, bien que la demande reste fragile.
- Les liaisons Asie–Europe sont partiellement soutenues par les exportations indiennes et les perturbations en mer Rouge, mais cette résilience semble davantage conjoncturelle que structurelle.
En résumé
Ti prévoit que le T4 2025 sera marqué par une pression persistante à la baisse sur les tarifs, une demande toujours molle et une surcapacité durable. À la fin de l’année, les chargeurs trouveront probablement beaucoup d’espace disponible et des conditions contractuelles avantageuses, mais devront réserver tôt pour sécuriser leurs capacités pendant les semaines de pointe.
« Pris ensemble, ces éléments montrent que le quatrième trimestre sera instable et sans véritable potentiel de reprise », conclut Ti.
« Le vrai défi n’est peut-être pas d’anticiper une reprise… mais de s’adapter à son absence. »